L’éditeur de l’hebdomadaire, le groupe Valmonde, a porté plainte pour détournement de fonds, réalisé grâce à un vaste système de surfacturation auquel aurait participé son secrétaire général et directeur de la diffusion. D’après nos informations, ce sont 15 millions d’euros qui se seraient envolés via un circuit parallèle, avec, selon un proche du dossier « tout un système sophistiqué de sociétés écrans ».
C’est un véritable coup de massue reçu par l’équipe de Valeurs actuelles, réunie il y a quelques jours par son directeur général Yves de Kerdrel, lequel a révélé à des collaborateurs abasourdis que le groupe Valmonde, éditeur de l’hebdomadaire, a été « victime d’un système massif de détournement de fonds qui perdurait depuis 2002 ».
Valmonde a ainsi déposé plainte lundi 9 octobre auprès du parquet de Paris pour abus de confiance, escroquerie, faux, usage de faux, complicité et recel de ces délits. II revient au parquet de prendre une décision sur l’ouverture d’une enquête. Ce système de surfacturation aurait profité à au moins une personne extérieure au journal et au secrétaire général en charge de la diffusion.
L’escroquerie présumée aurait commencé à émerger en mars 2016. Alors que la direction souhaitait renégocier des contrats avec ses fournisseurs, elle aurait découvert des services facturés jusqu’à trois fois leur coût normal. Voilà pour la version officielle. Reste que cette explication a du mal à convaincre en interne, de nombreux journalistes de l’hebdomadaire ne comprenant pas comment ce système a pu passer « à la fois à travers les gouttes de tous les experts-comptables et autres commissaires aux comptes, mais aussi des propriétaires successifs, notamment au moment des audits relatifs aux différentes acquisitions. Un million d’euros par an pendant quinze ans, c’est impossible à dissimuler dans un journal de notre taille ».
“Et si tout était faux ?”
De Serge Dassault (holding Dassault Communication), en passant par Pierre Fabre et Pierre-Yves Revol (Sud Communication) pour atterrir en 2015 dans l’escarcelle du franco-libanais Iskandar Safa, qui a mis en place le surprenant duo Charles Villeneuve-Etienne Mougeotte (Privinvest Médias), aucun de ces dirigeants pourtant chevronnés n’a décelé le pot-aux-roses, « une fable difficile à avaler » nous a confié, dépité, un journaliste de Valeurs actuelles ayant requis l’anonymat. Lequel ajoute : « du coup, on a des doutes sur la réalité du nombre d’abonnés, des ventes en kiosque et plus largement sur la sincérité des comptes depuis quinze ans. Et si tout était faux ? »
Ces doutes sont nourris par le parcours et la personnalité ambiguë de l’actuel propriétaire du magazine, Iskandar Safa, mais aussi par la déclaration du directeur général Yves de Kerdrel, qui a demandé à ses troupes d’observer le plus parfait silence. Avec le succès que l’on sait, puisque Libération dévoilait immédiatement l’affaire.