Le Lanceur

Cigéo Bure : des irrégularités dans l’attribution du terrain

L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) s’était vu céder en juillet 2015 un site de 220 hectares sur la commune de Mandre-en-Barrois, dans la Meuse, pour y établir un site de stockage de déchets radioactifs. Mais des habitants pointent des irrégularités dans la procédure de délibération du conseil municipal, ainsi que de possibles conflits d’intérêts. Le 31 janvier, la rapporteure publique du tribunal administratif de Nancy a rendu un avis favorable à leur recours.

Nouveau coup d’arrêt pour le projet Cigéo de Bure. Le site qui doit accueillir les déchets hautement radioactifs à vie longue actuellement stockés à La Hague, dans la Manche, fait l’objet d’une vive opposition depuis plusieurs années de la part d’opposants au nucléaire. Mais cette fois c’est sur un plan formel, et non idéologique, que le bât blesse. En cause, pour plusieurs habitants, la procédure de cession du terrain. Sans compter les soupçons de conflits d’intérêts émis à l’encontre des conseillers municipaux l’ayant validée.

Aux confins de la Meuse, de la Haute-Marne et des Vosges, à Mandres-en-Barrois, où sera installé le site Cigéo dit de Bure (du nom de la commune voisine), quatre habitants demandent que la cession du bois Lejuc à l’Andra soit annulée. 220 hectares de cette propriété municipale ont été échangés avec une autre appartenant à l’Andra, afin que l’agence y établisse son site Cigéo. Rien d’illégal. Même si, en consultation publique, une majorité d’habitants s’était prononcée contre le projet. Le processus de décision, en revanche, pose problème.

Vigiles et vote secret

Les conseillers municipaux se sont en effet exprimés à bulletins secrets. Or, s’il est possible de voter de manière secrète en conseil municipal, le Code général des collectivités territoriales stipule que cela doit être demandé par un tiers des conseillers au moins. Ce qui n’a pas été le cas. Un recours a donc été déposé, qui a reçu ce mardi 31 janvier un avis favorable de la rapporteure public du tribunal administratif de Nancy. “Elle a proposé l’annulation totale de la délibération, avec régularisation sous quatre mois”, explique Me Samuel Delalande, avocat des plaignants. “Un bon signe”, estime-t-il, en attendant la décision des magistrats le 28 février.

Il a été mis en exergue que certains conseillers ont de la famille qui travaille pour l’Andra”

 

Le vote à bulletins secrets effectué à la hâte à 6 heures un matin de juillet a éveillé la suspicion des habitants, déconcertés notamment par la présence de vigiles de l’Andra, dans les locaux municipaux. D’autant que des soupçons de conflits d’intérêts sont émis. Plusieurs conseillers auraient des membres de leur famille qui travailleraient pour l’Andra, voire seraient eux-mêmes intéressés à la délivrance de l’acte, par la possession d’un bail sur des terres appartenant à l’Andra. C’est notamment le cas du maire, Xavier Levet, comme le rappelle une note jointe au dossier de requête.

“L’Andra nous poussait”

“C’est plus dur à prouver, mais il a été mis en exergue que certains conseillers ont de la famille qui travaille pour l’Andra”, confirme Me Delalande. “Il y en avait, oui”, finit par reconnaître un conseiller ayant participé au vote. “On a été trop vite, l’Andra nous poussait”, ajoute cette même source. Joint par Le Lanceur, le maire de Mandres-en-Barrois a vivement refusé de s’exprimer. Quant à la présence de vigiles, l’Andra la justifie par la présence d’un de ses employés, chargé de présenter le projet aux conseillers municipaux avant le vote. Une simple mission de protection donc.

L’Agence se montre pragmatique, attendant de voir comment la situation évolue et si l’avis de la rapporteure sera suivi. Mais, même dans ce cas, ce ne serait “pas la fin du projet Cigéo” pour autant, nous assure-t-on : “On s’adaptera. Des recours, il y en a beaucoup en cours.”

Quitter la version mobile