Le Lanceur

Présidence chinoise d’Interpol : Wei Jingsheng alerte au G20

Le dissident chinois Wei Jingsheng ©Tim Douet

Le retrait de la plupart des 400 noms chinois inscrits sur la liste des “notices rouges” des sites du gouvernement chinois et d’Interpol témoigne d’un certain embarras, selon le militant démocrate chinois Wei Jingsheng, qui se rendra au G20 de Hambourg pour alerter la communauté internationale.

Après dix-huit ans de prison, torture et travaux forcés pour avoir plaidé en faveur de la démocratie en Chine, Wei Jingsheng ne se taira pas. En marge du G20 à Hambourg, le “père du mouvement démocratique chinois” compte bien alerter l’opinion internationale sur la “dégradation des droits de l’homme en Chine et l’aveuglement des Occidentaux à ces problèmes à cause de leurs intérêts commerciaux”. “La détérioration des droits humains en Chine ne permettra pas des échanges commerciaux sains pour les Occidentaux et en fin de compte, l’agressivité du régime communiste chinois peut nuire aux intérêts économiques et à la paix mondiale”, assène-t-il. À Lyon, en avril dernier, Wei Jingsheng tentait de dialoguer avec l’organisation de police internationale Interpol, qui est depuis six mois présidée par le ministre de la Sécurité publique du parti communiste chinois, Meng Hongwei : “Je m’inquiète qu’Interpol devienne un outil très pratique pour le gouvernement chinois pour persécuter les activistes de la démocratie et les opposants politiques, comme ce fut le cas pendant la Seconde Guerre mondiale.” Juste avant sa conférence de presse organisée par Lyon Capitale, la plupart des 400 noms chinois de la liste des notices rouges d’Interpol étaient retirés des sites Internet d’Interpol et du gouvernement chinois. Après que “le secrétaire général d’Interpol et ancien président de la police criminelle allemande (BKA), Jurgen Stock, a fait la sourde oreille” à propos d’une éventuelle rencontre avec Wei Jingsheng, ce dernier compte désormais se rendre avec un groupe d’activistes chinois pour manifester pendant le G20 à Hambourg, puis devant l’office fédéral de police criminelle allemand à Wiesbaden.

Le problème, ce n’est pas Interpol en tant que mécanisme, mais ce que l’on en fait”

 

Le Belgo-Turc Bahar Kimyongür, qui a vécu une véritable chasse aux sorcières après l’émission d’une notice rouge par Interpol, imagine que l’organisation “ne risque pas de se démocratiser avec la présidence chinoise” puisque certains chefs d’État parviennent à détourner ses systèmes sans pour autant assurer la présidence. “Le problème, ce n’est pas Interpol en tant que mécanisme, mais ce qu’on en fait. Erdogan, sans être dirigeant d’Interpol, arrive quand même à s’en servir dans ses propres intérêts alors que son régime a pourtant été de mèche avec les groupes djihadistes, qu’il a accueillis à bras ouverts entre 2013 et 2015. Il y a deux semaines, j’ai été contacté par plusieurs opposants turcs qui se plaignent d’avoir un frère ou un époux qui ont subi une arrestation à Sofia, à l’aéroport de Rome ou ailleurs. Au niveau du mécanisme et de la politisation, il n’y a pas vraiment de changement qualitatif”, indique-t-il. S’il souligne les récentes réformes mises en place par Interpol pour éviter le détournement des notices rouges à des fins politiques, il reste perplexe. Le côté obscur d’Interpol est resté tel quel, dans la mesure où un État autoritaire comme la Turquie continue à abuser d’Interpol pour réprimer à distance. Tout le fond du problème turc est là, Erdogan règle ses comptes avec ses rivaux directs et en profite pour laminer toute forme d’opposition, notamment par le biais d’Interpol, en continuant à émettre des notices rouges de manière aveugle. Il n’y a pas que les gülenistes qui sont victimes de ces notices rouges, il y a également des démocrates, des progressistes, des gens de gauche, des libéraux, des romanciers ou des cinéastes… Tout le monde peut être sur la liste.”

Quitter la version mobile