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À Nice, l’Euro à tous prix

L'équipe de France à Nice

L'équipe de France s'entraînant à l'Allianz RIviera AFP PHOTO / VALERY HACHE / AFP PHOTO / VALERY HACHE

Nice voulait accueillir l’Euro 2016 de football. Pour être intégré à la listes des villes hôtes, la commune s’est engagée à dépenser à 400 millions d’euros pour son stade  : l’Allianz Riviera. Dimanche, l’Irlande du Nord et la Pologne s’affronteront sur la côte d’Azur. Si l’objectif a été atteint, la justice s’interroge sur les risques pris par la municipalité pour y parvenir.

Dimanche 12 juin, l’Allianz Riviera, le stade de football de Nice, va accueillir son premier match de l’Euro. L’Irlande du Nord défiera la Pologne dans une enceinte qui n’aurait sans doute jamais vu le jour si la France ne s’était pas vu attribuer l’organisation de l’Euro 2016 de football. D’une certaine manière, cette rencontre justifie en partie les 465 millions d’euros qu’aura coûté l’Allianz Riviera (travaux d’accessibilité compris). Dans le paysage du ballon rond français, Nice n’est pas vraiment une place forte. En 1998, elle ne faisait pas partie des villes hôtes de la Coupe du Monde. Mais quand la France se porte candidate pour organiser l’Euro 2016, le maire de la Ville, Christian Estrosi (LR) se greffe au projet porté alors par le Gouvernement de droite. Pour l’édile, cette compétition doit être du gagnant-gagnant. La France a besoin de s’appuyer sur des stades flambants neufs pour séduire l’Uefa et Nice rêve de se doter d’une enceinte plus moderne. En 2002 puis en 2005, de précédentes tentatives de construction d’un nouveau stade pour l’OGC Nice avaient avorté. Avec l’Euro en perspective, la municipalité relance son projet en 2008. L’Allianz Riviera sera donc construite pour répondre aux exigences du cahier des charges fixé par l’UEFA.

Nice voit trop grand

Pour être ville hôte, il faut disposer d’une enceinte de plus de 30 000 spectateurs. Et ce critère est entré en compte dans la décision de Christian Estrosi comme il l’expliquait en 2013  : Christian Estrosi l’a d’ailleurs reconnu  : “J’aurais pu faire un nouveau stade du Ray de 25 000 places rien que pour l’OGC Nice, mais il m’aurait coûté aussi cher que celui auquel l’Etat a attribué 20 M€ du fait d’être sélectionné pour l’organisation de l’Euro de foot 2016. Je n’ai pas laissé passer cette opportunite”. L’Allianz Riviera affiche 32 800 places. C’est le plus petit stade de l’Euro français. Mais à l’échelle des besoins locaux, il semble bien trop grand. Lors de la saison 2015/16 de Ligue 1, l’OGC Nice, malgré un parcours brillant conclu à la 4e place, n’a fait venir que 19 000 spectateurs en moyenne. L’ouvrage paraît démesuré en fonction des besoins. Et l’exploitant du stade n’avait pas manqué de noter la disproportion entre l’offre et la demande. L’Allianz Riviera a été construit et financé via un partenariat public-privé conclu entre Vinci et la municipalité. Les collectivités publiques ont apporté 60 millions d’euros. Vinci a bouclé le tour de table et prendra en charge l’exploitation et l’entretien de l’ouvrage pendant 32 années. Au terme du contrat, la municipalité qui aura finalement déboursé 465 millions d’euros prendra possession de l’Allianz Riviera. Le stade s’est construit et financé par un contrat de partenariat qui se rapproche, pour un particulier, d’un achat en leasing. Ces outils sont censés faire reposer les risques sur le partenaire privé. Mais l’exemple de l’Allianz Riviera l’infirme. Dans le contrat signé avec la municipalité, Vinci s’est couvert contre le risque de faible affluence. Une clause prévoit ainsi que pour chaque place manquante à moins de 50% de remplissage, la Ville de Nice compensera la perte pour Vinci.

Un choix risqué pour le futur

De nombreuses clauses du PPP signé entre la municipalité et ce géant du BTP interpellent. À tel point qu’après s’être penché sur le contrat, la Chambre régionale des Comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur a déclenché un signalement à la justice. Les magistrats de l’antenne régionale de la Cour des Comptes contestent la pertinence du choix de la municipalité de recourir à un partenariat public-privé qui s’annonce plus onéreux qu’un marché public traditionnel. Ils estiment même que cet outil a été privilégié par la mairie. Si un partenariat public-privé s’avère risqué à long terme, il est intéressant pour un maire à court terme. Les collectivités publiques n’ont payé que 50% du prix de construction au lancement du projet et ne se sont pas endettés. Vinci a apporté le reste et refacture via des loyers à la charge de la collectivité.

Une erreur de Bouygues  ?

La justice s’intéresse aussi aux conditions d’attribution du contrat de partenariat à Vinci. La procédure du marché public est, en effet, rocambolesque. La Ville a opté pour une phase de dialogue compétitif où chaque candidat présente une première offre avant de rendre sa réponse définitive. Entre les deux présentations de projet, les offres des entreprises ont fluctué. Un peu trop pour la Chambre régionale des Comptes. Ainsi Bouygues qui était le moins disant lors du premier échange a revu sa copie à la hausse (+12%) pour se rapprocher des estimations de ses concurrents. Lesquels ont présenté des offres moins coûteuses, -9% pour Vinci. “Les services de la commune avaient indiqué en cours d’instruction que Bouygues s’était trompé dans son offre, explication surprenante pour une telle entreprise qui, au même moment, était en compétition pour l’attribution du contrat de partenariat du stade Vélodrome”, s’interrogent les magistrats de la Chambre régionale des Comptes.

Les largesses de la Ville

La justice s’interroge aussi sur la magnanimité de la Ville de Nice à l’égard de Vinci depuis que le contrat lui a été attribué. La municipalité s’est ainsi assise sur trois millions d’euros de pénalité de retard et compense, à la place de Vinci, le manque à gagner sur la production électrique du stade. Mais la justice s’intéresse plus particulièrement à une opération annexe à l’Allianz Riviera mais englobé dans le contrat de PPP  : la construction d’un centre commercial. Comme pour le stade, la Ville et les collectivités locales ont apporté une partie de son financement. Mais lors de la revente des surfaces commerciales, les pouvoirs publics n’ont pas été intéressés aux sommes récupérées par Vinci. Qui plus est, l’acquéreur du centre commercial est l’un des actionnaires de l’OGC Nice, le club résident de l’Allianz Riviera.

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