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Cet hôtel de luxe que Mme Tapie tente de sauver du fisc

Bernard Tapie et sa femme Dominique en 1993 (AFP PHOTO / Georges GOBET)

La cour d’appel de Paris a rejeté la procédure de sauvegarde visant une société de Dominique Tapie, qui détient un hôtel particulier valorisé à 16 millions d’euros. Un bien sur lequel zyeute le fisc pour éponger une dette du couple Tapie de près de 30 millions d’euros.

Tel mari, telle femme. Comme son époux trois semaines plus tôt, Dominique Tapie a vu le plan de sauvegarde concernant une de ses sociétés retoqué par la justice. Début mai, la cour d’appel de Paris a rejeté le plan de sauvegarde de la SNC Dolol, détenue à 99% par Dominique Tapie – les parts restantes appartenant à son fils Laurent. Cette même société qui avait valu à la femme de l’ex-ministre une condamnation pour simulation frauduleuse, en février dernier. La société aurait en réalité servi de prête-nom pour l’achat d’un hôtel particulier en bordure du bois de Boulogne, pour 15,2 millions d’euros, en 2012. Le tribunal avait demandé que ce bien soit réintégré au patrimoine de Mme Tapie. Laquelle a fait appel.

Le 4 mai, la cour d’appel statuait sur le bien-fondé de la procédure de sauvegarde dont la SNC Dolol, qui n’a que ce bien à son actif, fait l’objet, suite à un appel du ministère public. Cette procédure permet de garantir la préservation de l’hôtel de Neuilly pendant les six ans de la durée du plan… alors que le fisc aimerait s’en servir pour se rembourser d’une partie (environ 13 millions) des 29,2 millions d’euros dont le couple est débiteur au titre de l’ISF et de l’impôt sur le revenu. Comme dans l’affaire Tapie-Crédit Lyonnais, le plan de sauvegarde a été rejeté. La cour laisse au tribunal le soin de se prononcer sur la clôture de la procédure de sauvegarde.

“Faire obstacle à la créance”

“L’administration fiscale, qui est en litige de longue date avec Mme Tapie au titre d’impôts impayés s’élevant à plusieurs millions d’euros, a engagé une action en simulation pour voir juger que cet hôtel particulier est en réalité la propriété de Mme Tapie et constitue son gage”, pose le jugement. C’est dans ce contexte que Mme Tapie a sollicité l’ouverture d’une procédure de sauvegarde à l’égard de la société Dolol, fin novembre 2015. Le 6 juin 2017, le tribunal de commerce de Paris avait arrêté un plan de sauvegarde sur six ans. Une décision dont le ministère public a donc fait appel, demandant la mise en liquidation judiciaire de la société.

Un premier appel a été rejeté sur la forme, le second a été jugé recevable. De plus, il a été retenu que les comptables du fisc avaient un intérêt à agir. En effet, l’hôtel de Neuilly figurait comme source de financement et de garantie du plan de sauvegarde. Or, ce bien pourrait être réintégré au patrimoine de Mme Tapie, si la cour d’appel n’infirme pas le jugement de première instance. Donc servir au recouvrement de sa créance fiscale. “Les comptables publics (…) font valoir que ce bien immobilier constitue leur gage pour recouvrer leur créance contre Mme Tapie et ne peut faire partie du périmètre du plan”, précise le jugement. Les comptables ont en outre reçu “l’autorisation d’inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur ce bien à hauteur de 13,8 millions d’euros”.

Pour le ministère public, à l’originaire de l’appel, “l’unique mobile de cette procédure de sauvegarde est de faire obstacle, au moins pour un temps, à la créance de l’État contre Mme Tapie, qui s’élève à près de 13 millions d’euros”. L’idée de Dominique Tapie aurait donc été avant tout d’échapper au fisc. Pour les six ans de la durée du plan au moins, puisque les biens mis en garantie de ce plan sont déclarés inaliénables sur cette période.

Un “aléa important” sur les revenus

Ce plan de sauvegarde semble parfaitement artificiel. Il est en effet étonnant de constater qu’il ne répond à aucun des objectifs habituels, comme le sauvetage d’outils de production ou la préservation d’emplois. Sans compter que “les revenus locatifs générés par ce bien n’appartiennent pas à Dolol, l’immeuble ayant été réintégré dans le patrimoine de Mme Tapie”. Une décision frappée d’appel, certes. Le plan de sauvegarde de Dolol est censé être adossé à des garanties solides, comme celles des sociétés GBT et FIBT de Bernard Tapie. Or, la cour estime ces autres garanties apportées au plan aussi peu fiables. “Les engagements de financement pris par GBT et FIBT dans l’intérêt de Dolol manquent de pertinence, dès lors que ces sociétés sont elles-mêmes sous procédure de sauvegarde, confrontées à des passifs déclarés très importants et qu’elles ne démontrent pas leur capacité à financer leur propre plan dans les délais impartis”, écrit la cour d’appel.

Il semble par ailleurs que le cabinet Wingate, déjà fort complaisant avec le clan Tapie dans l’audit ayant présidé au plan de sauvegarde concernant les société de l’ex-ministre, depuis rejeté en appel, se soit de nouveau montré un peu léger quant aux garanties fournies. Il évalue les loyers de l’hôtel particulier à un peu plus d’un million d’euros. Or, “un aléa important pèse sur le seul actif immobilier de Dolol et donc sur le sort des loyers générés par ce bien”, comme le souligne la cour. C’est le moins que l’on puisse dire. Le fisc zyeute toujours sur le bien. Le comptable PRS bénéficie même d’un jugement définissant Mme Tapie comme la véritable propriétaire du bien et établissant une hypothèque judiciaire sur ce dernier. Si le jugement est soumis à un appel, rien ne préjuge qu’il soit infirmé. L’aléa affectant la propriété du bien et par voie de conséquence les revenus qu’il génère risque de perdurer”, estime la cour. Les revenus estimés par Wingate devront par ailleurs être amputés de charges.

Autant d’éléments qui conduisent à infirmer le jugement de première instance et à rejeter le plan de sauvegarde. Le ministère public est en revanche débouté, sur la forme, de sa demande de convertir cette procédure en liquidation judiciaire. En attendant que le tribunal de commerce se prononce, Dominique Tapie conserve donc son hôtel particulier, à travers la société Dolol. La multiplication des procédures lui ayant permis d’échapper à une dette fiscale de près de 30 millions d’euros impayée depuis trente ans.

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