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Dentexia liquidé, 3 000 patients sur le carreau

Les centres dentaires low cost Dentexia ont été mis en liquidation par la justice. Un scandale sanitaire pour plus de 3 000 patients dont les soins, payés, ne sont pas achevés et pour 1 500 victimes qui se sont déclarées à ce jour.

La première chambre du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence vient de prononcer la liquidation judiciaire de l’association Dentexia, gérante des centres dentaires low cost du même nom.

La justice a également rejeté le plan de reprise proposé par la société Adental Holding, qui détient le même type de centres dentaires associatifs low cost, sous le “label” Dentego.

“Organisation mercantile”

Pour motiver son jugement, le TGI épingle “le modèle d’organisation mis en place par M. Steichen lors de la création de Dentexia et enseigné par ce dernier à l’occasion de séminaires destinés aux dirigeants de centres dentaires, traitant des sujets suivants : “augmenter l’acceptation des devis, améliorer la productivité, définir une politique tarifaire (notamment rentabiliser les CMU) et piloter l’activité avec des tableaux de bord”. Et ajoute que ce modèle d’organisation “ne fait pas état de la qualité des soins susceptibles d’être réservés à des patients démunis, ni aux soins de premier secours pouvant être prodigués au titre de la CMU”.

Avec la CMU, les chicots se transformaient en or

 

Le reproche qui est fait à Pascal Steichen, l’homme d’affaires fondateur de Dentexia, est de s’être tourné vers la santé dentaire pour faire du profit sur les soins déréglementés et les patients les plus pauvres. Dans son centre de Vaulx-en-Velin, en région lyonnaise, Dentexia s’enorgueillissait d’ailleurs d’être à “90 % de CMU”. Sur le papier, le mérite de Dentexia était de proposer un égal accès aux soins, notamment aux personnes les plus démunies. Les fondateurs, eux, sous couvert d’action sociale, faisaient coup double : les prix étaient alignés sur le remboursement de la CMU et ils privilégiaient les grosses opérations, les plus rentables. Ils étaient alors certains d’être remboursés. Autrement dit, avec la CMU, les chicots se transformaient en or. Quel patient relevant de la CMU aurait refusé des prothèses qui ne lui coûtaient rien ?

Le tribunal d’Aix ajoute que “les grands principes ayant gouverné la loi Bachelot semblent avoir été oubliés au profit d’une organisation mercantile”. La justice prend pour exemple les sujets enseignés par Pascal Steichen lors de séminaires destinés aux dirigeants de centres dentaires.

Les victimes ? Dérisoire, dixit Steichen

Pour sa défense, Pascal Steichen a rappelé que, sur 16 000 patients traités en quatre années d’exercice chez Dentexia, le nombre de critiques était dérisoire. À ce jour, 1 500 patients se sont déclarés auprès de collectifs de victimes. Toutes endettés et édentés. Soit quasiment 10 % de l’ensemble des patients de Dentexia. Si l’on compte les 3 000 dossiers en cours (dixit Steichen), on frise les 20 % de critiques.

“Ce n’est pas une bonne nouvelle pour tous les patients qui se disent chaque matin : qu’est-ce que je fais de ma bouche maintenant ? déplore Abdel Aouacheria, du Collectif contre Dentexia. Ceux qui ont souscrit des crédits auprès d’organismes de crédit comme Franfinance ou Odontolease pourront toujours se retourner contre eux. Ils seront remboursés car les organismes n’avaient pas le droit de leur accorder des crédits dans ces conditions. Ceux qui me font le plus de souci, ce sont ceux qui ont payé sur leurs fonds propres et qui ont eu des malfaçons.”

Le Collectif contre Dentexia doit se réunir samedi 5 mars à Lyon avec un cabinet d’avocats pour étudier les suites à donner.

La santé publique négligée

Les juges n’ont pas non plus accepté l’offre de reprise d’Adental/Dentego, estimant que celle-ci “s’inspirait singulièrement du modèle d’organisation mis en place par M. Steichen lors de la création de Dentexia”. Le tribunal a ainsi suivi le mandataire judiciaire, qui s’est interrogé en ces termes : les patients sont-ils destinés à être accueillis dans une nouvelle structure dont la rentabilité est le moteur ? La cession reproduira-t-elle le modèle Dentexia au profit d’hommes d’affaires cherchant à rentabiliser une activité sur le compte des plus pauvres ? Le tribunal a en effet fait observer que “les représentants du repreneur potentiel avaient utilisé pour présenter leur offre un vocabulaire d’hommes d’affaires, bien éloigné des préoccupations de santé publique qui devaient les guider”.

Silence radio chez la ministre de la Santé

Si Pascal Steichen n’en a pas fini avec la justice (des dizaines de plaintes et de procédures civiles et pénales sont en cours contre lui), il n’en reste pas moins que le passif colossal de Dentexia – 22 millions d’euros – ne sera pas apuré (quatre jours avant le jugement du TGI, Pascal Steichen nous avait juré que c’était un chiffre “fantaisiste”).

La question que devront maintenant se poser les juges sera de savoir où est passé tout cet argent.

Surtout, il faudra bien trouver des solutions pour les 3 000 patients dont le plan de traitement (payé d’avance) n’est pas achevé. Sur ce point, d’aucuns attendent un signe de Marisol Touraine. Depuis le début de l’affaire Dentexia, il y a trois ans, c’est silence radio chez la ministre de la Santé.

 

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