Le Lanceur

François-Noël Buffet et Jean-Jacques Urvoas reçoivent les casseroles d’Anticor

Jean-Jacques Urvoas à l'époque où il était ministre de la Justice, en déplacement à Lyon le 27 janvier 2017 © Tim Douet

Jean-Jacques Urvoas à l’époque où il était garde des Sceaux © Tim Douet, 2017.

L’ancien Garde des Sceaux et le sénateur-maire d’Oullins ont reçu, vendredi soir à Paris, les casseroles 2018 de l’association Anticor.

Contraste saisissant, vendredi soir, à la Maison de l’Amérique latine à Paris, entre les prix éthiques et les casseroles remis par l’association Anticor pour l’année 2017, au cours de 2h30 d’une cérémonie qui célébrait sa troisième édition et qui a trouvé son public. Tous les spectateurs n’ont pas pu trouver une place assise pour les accueillir et une petite dizaine a même dû suivre la remise des prix debout, dans l’entrée.

Et cette année, les moutons noirs identifiés par l’association se nomment François-Noël Buffet et Jean-Jacques Urvoas, succédant ainsi à Patrick Balkany, Christian Eckert ou encore Sylvie Andrieux.

Le premier, sénateur du Rhône et ancien maire d’Oullins, se voit reprocher d’avoir déposé un amendement au texte de réforme de la prescription pénale visant à plafonner à 12 ans le délai de prescription des infractions dissimulées. Un amendement “bienveillant à l’égard des délinquants en col blanc”, estime Anticor, pour qui François-Noël Buffet, “en voulant éviter l’imprescriptibilité, a offert l’impunité”.

L’ancien Garde des Sceaux a lui largement de quoi remplir sa casserole. “Une triple honte pour la démocratie”, a dénoncé l’association. Jean-Jacques Urvoas est ainsi distingué pour avoir, en tant que ministre de la Justice, soutenu l’amendement de M. Buffet, mais également, toujours alors qu’il était Garde des Sceaux, pour avoir transmis à Thierry Solère des documents couverts par le secret de l’instruction à propos de l’enquête le concernant pour des faits de fraude fiscale, blanchiment et trafic d’influence.

Enfin, il est également “récompensé” pour avoir porté plainte et fait condamner un lanceur d’alerte dont le seul tort était d’avoir informé la presse de l’enrichissement personnel de Jean-Jacques Urvoas grâce à de l’argent public, via l’achat de sa permanence parlementaire grâce à ses indemnités représentatives de frais de mandat.

“Nous ne pouvons pas récompenser tous les postulants, malgré le zèle dont ils ont fait preuve, particulièrement en 2017”, avait prévenu le président d’Anticor, en ouverture de la cérémonie. L’association a, en revanche, remis en plus grand nombre de petits bustes de Marianne, symboles des prix éthiques 2018, pour “honorer des personnalités exemplaires qui nous tirent collectivement vers le haut”. Des personnalités qui, à l’inverse des casseroles, ont pu recevoir les applaudissements nourris des spectateurs.

Se sont ainsi vus distinguer, pour de bonnes raisons cette fois-ci, lanceurs d’alertes, chercheur, journalistes, médias, collectifs citoyens et même parlementaires pour leurs actions contre la corruption ou leur combat pour révéler des pratiques corruptives. Chaque prix était introduit par un membre de l’association Anticor, rappelant au passage la nécessité de l’action de chacun des nominés.

Alain Gautier, tout d’abord, pour avoir dénoncé les pratiques de l’entreprise Vortex (dumping social, travail dissimulé et concurrence déloyale) et pour son “courage face aux procédures baillons”. Discrimination, retenues sur salaire, avertissement, mise à pied, attaque en correctionnelle pour diffamation, procédures de licenciement… L’entreprise Vortex, spécialiste du transport adapté de personnes handicapées, tente tout pour faire taire Alain Gautier, qui a confié vendredi soir, avec beaucoup d’émotion, avoir mené “6 ans de combat” et vécu “6 ans d’attaques” et dont la voix a parfois flanché lorsque il a évoqué “l’inaction de la puissance publique’”et qui a dû attendre la fin des applaudissements de soutien du public pour reprendre son discours. Si les dirigeants de Vortex ont pour l’instant été déboutés à chaque fois, ils ont systématiquement fait appel des décisions. “On ne ressort pas indemne d’un combat contre la corruption et l’injustice, on a le sentiment d’être face à un mur infranchissable”, a-t-il conclu.

Ce fut ensuite le tour d’Adrien Roux, chercheur sur la corruption, auteur d’une thèse sur la corruption internationale et sa répression, soutenue en décembre 2016. Il a regretté qu’il y ait “trop peu de recherches en France sur les questions de corruption” et a notamment lancé l’idée de la création d’un centre de recherches sur la corruption, comme cela peut exister dans d’autres pays.

Les médias ont également été récompensés pour leur travail. Un nouveau-né, Médiacités, qualifié de “contre-pouvoir contre les féodalités locales”, mais aussi les journalistes Stéphanie Fontaine pour son enquête sur la privatisation du secteur du contrôle routier et Mathilde Mathieu, pour ses révélations des mauvaises pratiques parlementaires, notamment avec le scandale des étrennes des sénateurs, qui a montré que “les problèmes avec les parlementaires français n’étaient pas des dérives ou dus à des moutons noirs, mais bien un écosystème”.

Le collectif Regards Citoyens, regroupant une quarantaine d’adhérents bénévoles, a été récompensé pour placer “le numérique au service de la démocratie”.

Enfin, l’ancien député du Nord Alain Bocquet et son frère, Eric Bocquet, sénateur du Nord, ont eux aussi été distingués pour leur “combat pour l’égalité des citoyens devant l’impôt”, leur “action contre la fraude et l’évasion fiscale” et leur travail pour faire sauter le verrou de Bercy. Pas avares de bons mots, ils ont notamment proposé, venant du Nord, région minière où a été tourné Germinal, de créer un contre-sommet à celui de Davos, “eux dans les cimes blanches et nous dans le trou noir”.

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