Désorganisation des services, soupçons de favoritisme dans l’attribution des marchés publics, mise sous l’éteignoir des instances de contrôle et placardisation en tout genre : en moins d’un an, le nouveau directeur général du Centre national d’enseignement à distance a réussi à dresser une bonne partie du personnel contre lui. Plongée en eaux troubles au sein d’une institution rudoyée.
“Depuis un an, la qualité des services du Cned ne cesse de se dégrader. (…) Nous en avons assez ! Assez que nos agents ne puissent pas réaliser leur travail car ils n’ont plus les moyens de le faire. Assez que nos activités soient confiées à des prestataires qui n’ont pas notre savoir-faire et notre connaissance de l’établissement. Assez que nos dirigeants fassent des arbitrages qui vont à l’encontre de la satisfaction de nos apprenants.” Le moins que l’on puisse dire, c’est que le mystérieux blog Défendons le Cned !, apparu le 19 novembre sur la Toile, ne mâche pas ses mots. Emanant manifestement du Centre national d’enseignement à distance (Cned), il dresse un constat sans appel de l’état dans lequel se trouve la vénérable institution : “Des dossiers d’inscription qui s’empilent, des copies d’inscrits non corrigées qui s’accumulent, des devis qui ne sont pas traités… Voilà le quotidien des inscrits du Cned. Des agents qui croulent sous le travail, des moyens qui diminuent, des prestataires extérieurs qui n’ont pas notre savoir-faire… Voilà le quotidien des agents du Cned.” Lesquels n’ont visiblement pas l’intention de se laisser faire, puisque lundi 21 novembre un appel à la grève a été lancé pour ce mercredi, avec rassemblement prévu devant les sites du Cned. Sur Twitter a également surgi un compte @defendonslecned, qui s’emploie depuis quelques jours à lancer missile après missile, ciblant la direction générale. Car l’essentiel de cette ire généralisée se cristallise sur un nom : Jean-Charles Watiez.
Nommé le 13 janvier 2016 en conseil des ministres sur proposition de Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale, cet énarque de la promotion Romain Gary (2003-2005) a pourtant un CV impeccable. Bardé de diplômes (DESS de gestion des télécoms, doctorat en sciences de gestion), il peut s’enorgueillir d’une carrière réussie dans le privé, s’étant hissé, chez Michelin, de la direction des investissements et du plan à la direction de la filiale taïwanaise avant de rejoindre, en 1999, la chambre de commerce et d’industrie de Saône-et-Loire (direction de l’enseignement supérieur), puis d’intégrer l’ENA. Un homme dont l’éthique ne peut davantage être remise en cause : à son précédent poste, il dirigeait depuis 2012 le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, et milite à l’ONG de lutte contre la pauvreté ATD Quart Monde, dont il est successivement trésorier puis vice-président depuis 2006. C’est donc plutôt d’un bon œil que les agents du Cned le voient parachuté à leur tête en ce début d’année. Il semble malheureusement que nombre d’entre eux aient déchanté depuis. Sont en effet aujourd’hui mises en cause à la fois ses méthodes de management, de gestion et une conception toute personnelle de l’attribution des marchés du Cned.
Gouvernance resserrée
La première mesure d’envergure du nouveau patron est de nommer juste en dessous de lui trois “directeurs de pôle”, destinés à chapeauter l’ensemble des directeurs de service. Dans quel but ? Les avis divergent là-dessus. Pour l’un de ces trois hommes, Philippe Certin (directeur des “fonctions support”), il s’agit de “regrouper les principales fonctions de la maison” afin de procéder à un “resserrement de la gouvernance opérationnelle”, simple mesure destinée à simplifier la tâche du nouveau DG. Ce que nombre d’agents du Cned auxquels Le Lanceur a pu parler ont constaté, eux, c’est que les quatre hommes concentrent tous les pouvoirs et verrouillent désormais toute l’information. Ainsi, le chiffre d’affaires de la société, qui était jusqu’ici communiqué en interne à l’ensemble du personnel toutes les semaines, ne l’est plus. Ce que dénonce sans langue de bois le blog Défendons le Cned, se plaignant que “les données de pilotage de nos activités ne sont plus communiquées et/ou désinforment quant à la situation réelle (financière, qualité et gestion)”.
Tous les directeurs des différents services, désormais relégués à un rôle subalterne, sont laissés dans le noir à bien des égards, sans vision périphérique des activités du Cned. L’un d’entre eux, amer, confie au Lanceur : “On est dans la même logique que celle qui a prévalu durant le Brexit ou l’élection de Trump : “Facts don’t matter”, les faits ne comptent plus. On concentre l’information sur quatre personnes, en dessous on raconte ce que l’on veut mais surtout pas la vérité, quelle qu’elle soit.” Par ailleurs, une consigne est passée : toute note envoyée à la direction générale devra désormais, si elle veut être lue, être rédigée dans la police Arial, et exclusivement en corps 10 ! Côté gestion, l’heure est à la “réinternalisation”. Puisque sa vocation est de dispenser des formations à distance, le Cned fonctionne largement autour d’un centre d’appel, dont la fonction est d’assurer la liaison avec la clientèle, par téléphone comme en ligne. Les effectifs de permanents n’étant toutefois pas suffisants pour absorber avec un délai de réponse convenable le flux d’appels et de mails, l’institution avait recours à un sous-traitant du nom d’Arvato pour traiter les pics de charge, en particulier durant la campagne de recrutement, qui s’étend de juin à décembre. Cette pratique déplaît visiblement au nouveau manitou, qui annonce à ses équipes son intention de tout traiter en interne. Lesquelles s’en émeuvent, car il est pour eux patent que le Cned n’a pas du tout les moyens financiers comme humains nécessaires à la mise en œuvre de ces desiderata. Qu’importe ! M. Watiez ordonne à son directeur commercial de réduire le budget de l’externalisation de quelque 700.000 euros, sur un total annuel de 1,7 million d’euros. De nombreux contrats de droit public (les effectifs du Cned sont composés pour partie de fonctionnaires, pour partie de CDD d’un ou trois ans) arrivant à échéance ne sont pas reconduits, quelles que soient les compétences et l’utilité des évincés dans la bonne marche de l’entreprise. Un incident survenu le 25 mars va accélérer le cours des événements.
Le taux de réponse du centre d’appel chute dans des proportions abyssales”
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Le marché passé avec le sous-traitant comportait en effet une faille. Les enveloppes prévues pour les réponses par téléphone d’une part, par mail de l’autre, étaient mal évaluées : le budget mensuel de la première était atteint bien avant la fin du mois, tandis que la seconde n’était jamais dépensée entièrement. Pour y remédier, on avait pris l’habitude au Cned, sur instruction de l’ancienne direction, de tripatouiller un peu les factures, de façon à affecter une partie de l’une à l’autre, avec l’accord du sous-traitant. Une pratique qui, si elle n’occasionnait aucun préjudice pour le Cned, les sommes dépensées étant équivalentes, était tout de même hors des clous de la loi. Lorsque M. Watiez s’en aperçoit, sa réaction est aussi soudaine que virulente : contre l’avis de ses cadres, il décide de porter plainte contre la directrice des relations clients et de la mettre à pied1. Quant au sous-traitant, Arvato, il voit son marché résilié sur-le-champ, sans autre forme de procès.
On peut comprendre qu’un nouveau dirigeant découvrant des pratiques délictuelles, même cautionnées par la précédente direction, souhaite y mettre un terme immédiatement. Mais, en interne, cette décision passe très mal. En solidarité avec une directrice qui n’a, selon les vétérans, guère fait qu’appliquer les consignes de son ex-hiérarchie, une pétition de soutien circule. Sur le terrain, le retrait brutal du sous-traitant a des conséquences dramatiques : désormais privées de soutien, les équipes du centre d’appel ne peuvent faire face à la charge de travail et le taux de réponse semble chuter dans des proportions abyssales. “On estime qu’une bonne qualité de service, dans une boîte normale, s’établit aux alentours de 90%. Nous, quand on arrive à 70/80%, on est contents. Mais, au mois de septembre, on était à peu près à 10% de prise d’appels !” confie au Lanceur un agent éberlué, qui craint pour les 15 à 20 millions d’euros (sur un chiffre d’affaires total annuel de 55 à 60 millions) résultant des démarches commerciales. “Non seulement nous ne prenons plus les appels, mais nous ne passons pas non plus les appels de relance auprès des clients. En plus, la direction a coupé le budget de communication commerciale. Aujourd’hui, on ne fait plus rien qui permette de vendre ! C’est pour ça que le chiffre d’affaires se casse la gueule.”
Ces très chers amis de la direction
Parmi les cadres du Cned, c’est la panique : il faut absolument résoudre au plus vite ce problème pour limiter la casse ! En comité de direction, ils proposent au directeur général d’affecter tous les budgets temps partiels restants pour recruter des conseillers au plus vite et les former. Mais ces mesures ne recueillent pas l’assentiment de M. Watiez, qui privilégie obstinément une autre approche : une étude marketing réanalysant le “tunnel d’achat” et le simplifiant, afin de favoriser les ventes en ligne au détriment de celles réalisées par téléphone. Une méthode qui a l’inconvénient de faire perdre à l’institution un temps précieux dans ce contexte d’urgence. Et qui, si elle paraît séduisante à première vue, se heurterait à la réalité, selon les propos tenus par un cadre au Lanceur : “Le téléphone est incontournable ! Les clients qui s’inscrivent en ligne ont de toute façon tendance à appeler ensuite pour se rassurer, savoir si leur demande a bien été prise en compte… et puis, c’est là que se fait l’orientation. On ne s’engage pas dans un cursus d’études comme on achète un aspirateur !”
En dépit de ces mises en garde, le directeur général fait la sourde oreille. Pour certains, il semble même avoir une idée derrière la tête. Car cette étude, s’ouvre-t-il à ses équipes, il “connaît quelqu’un qui peut la faire”. Il s’agit de la société 360 Degrés Fahrenheit, SARL unipersonnelle dont le fondateur – et unique membre, donc – est un certain Benoît Tézenas du Montcel. L’homme n’est pas inconnu au Cned. Quelque temps auparavant, il était intervenu lors d’un comité de direction élargi pour faire une présentation sur les “transformations numériques des organisations” et avait été introduit par M. Watiez comme un de ses amis d’enfance, avec lequel il avait fait ses études et même écrit une thèse à quatre mains. De fait, les deux hommes se tutoyaient, parlaient à table de leurs familles respectives… Pour Philippe Certin, tout ceci ne pose pas de problème : “Le DG a travaillé dans ses postes précédents avec différents consultants. Il n’y a rien d’extraordinaire à ce qu’il ait souhaité continuer de travailler avec ces mêmes consultants sur des sujets un peu semblables.” Il n’en reste pas moins que ces manifestations d’affection ont alimenté au sein des cadres du Cned de forts soupçons de favoritisme. D’autant que les interventions de M. du Montcel ne vont pas se limiter là.
Un marché de 600.000 euros pour une société au capital de 1.818 euros”
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En avril, un nouveau marché de 600.000 euros, portant cette fois sur l’“accompagnement du projet stratégique Cned 24/24 et (le) pilotage de ses plans d’action”, est attribué à ce consultant si proche de la direction. En dépit de l’opposition et des réserves conjointes des membres de la commission d’attribution des marchés, dont le comptable public, la directrice des affaires financières et le directeur des affaires juridiques ! Il se trouve que ce marché a une particularité : il avait déjà fait l’objet d’un appel d’offres. Trois prestataires y avaient répondu, dont deux dans les temps et un troisième hors délai : 360 Degrés Fahrenheit. En vertu de quoi le marché avait été annulé pour “défaut de concurrence”. Est-ce parce que l’ami de la direction en avait été évincé ? Il est difficile de l’affirmer avec certitude, mais ce qui est certain, c’est qu’une annulation de marché pour ce motif est rarissime et n’avait pas été vue au Cned depuis des années. Et qu’est lancé dans la foulée un second appel d’offres, pour ce même marché. L’analyse qui est faite des différentes offres par son acheteur au Cned est sans équivoque : celle de 360 Degrés Fahrenheit arrive en dernière position. Lui est notamment reproché un certain flou et surtout d’être très incomplète (“Démarche peu détaillée, planning peu clair, pas d’information sur les livrables (…) E marketing et E transformation sans aucun détail…”), en dépit des abondantes citations qui la ponctuent, émanant de Jeremy Rifkin, Machiavel ou… Bouddha.
De plus, attribuer un marché de quelque 600.000 euros à une société unipersonnelle au capital de 1.818 euros paraît bien trop risqué à l’acheteur. M. de Montcel est-il pour autant éliminé ? Pas du tout. Car une deuxième étude des offres est réalisée par Philippe Certin. Qui place, elle, 360 Degrés Fahrenheit à la première position. Une étude approfondie de cette offre révèle une autre curiosité. Trois graphiques y figurent, représentant respectivement la répartition entre les personnels internes et vacataires au Cned, entre les tranches d’âge de ses élèves “école”, “collège” et “lycée” et des copies corrigées par le Cned entre celles en ligne et “papier”. Or, si les deux premiers recèlent des données publiques bien que non communiquées sous cette forme, le troisième comporte des informations (copies en ligne/papier) impossibles à connaître de l’extérieur et jamais portées à la connaissance du public. Comment ont-elles été obtenues par 360 Degrés Fahrenheit ? Mystère. Mais leur provenance est en revanche certaine si l’on fouine un peu du côté du ministère de l’Education nationale. Ces trois graphiques – ou leurs jumeaux – figurent dans une note confidentielle (un “point de situation”) envoyée début février par la direction générale du Cned au directeur de cabinet et au secrétaire général du ministère, ainsi qu’au président du conseil d’administration. Comprenne qui peut.
Vilains petits canards mis au coin
L’intervention de Philippe Certin, qui a permis de sauver in extremis l’offre de 360 Degrés Fahrenheit, n’est pas un cas isolé. En juillet, un autre appel d’offres est ouvert, destiné à pourvoir “l’accompagnement en chargement sur un projet d’ERP” pour la modique somme de 800.000 euros. Il s’agit d’aider les équipes dans la prise en main et l’adaptation aux normes du Cned d’un progiciel de gestion. Cette fois, sept offres distinctes sont en lice, parmi lesquelles on trouve celle d’une société du nom de MNM Consulting, sur laquelle les avis divergent singulièrement. Deux chefs de projet lui accordent des notes relativement basses… systématiquement rehaussées par M. Certin. En dépit de cela, MNM demeure en troisième position. Mais, après le temps des offres, vient celui des auditions, sorte de grand oral de défense de ces dernières. Il est à noter que ce type de procédure, dans le cadre de marchés publics, ne soulève pas l’enthousiasme du ministère des Finances, qui ne la tolère qu’à deux conditions : qu’elle donne lieu à un compte rendu et que lesdites offres ne soient pas modifiées a posteriori.
Dans ce cas précis, le Cned décide tout de même de procéder à ces fameuses auditions… au terme desquelles MNM Consulting fait un bond prodigieux, devance ses concurrents et remporte le marché. Par quelle magie dialectique ? Il est impossible de le savoir, personne parmi les agents du Cned interrogés n’ayant vu le procès-verbal des auditions. Mais un petit tour sur Internet fournit peut-être un début d’explication à ce coup de théâtre. Dans l’offre soumise par MNM, une page recense l’équipe qui aurait vocation à intervenir auprès du Cned. Parmi eux, au rang d’“associé” (le plus élevé), on trouve un Fabrice de l’Assomption, celui dont le temps d’affectation auprès du Cned est le plus élevé (70 jours/homme). Est-ce un hasard si l’on trouve sur la page de Jean-Charles Watiez de Copains d’avant (site recensant les amitiés scolaires des inscrits) un certain “de l’Assomption Fabrice” qui ressemble à s’y méprendre à celui de MNM ? Chacun se fera son opinion.
Pourtant, pour Philippe Certin, il ne peut y avoir eu favoritisme, car sinon “il y aurait très certainement eu un recours des prestataires qui n’ont pas été retenus”. Il est exact qu’aucun d’entre eux ne s’est manifesté de la sorte. Mais il n’est pas interdit de penser qu’outre le fait qu’il faudrait déjà pour cela qu’ils aient eu vent des manœuvres les ayant mis sur la touche, introduire un recours équivaudrait à se fermer la porte de futurs contrats, sans garantie d’obtenir gain de cause sur leur demande actuelle. En tout cas, au Cned, ces curieux marchés font grincer des dents. Quelques cadres s’émeuvent de ces procédures inhabituelles dans la maison et le font savoir. Est-ce pour cela que la direction générale prend immédiatement de la distance avec les impudents en question, tenus éloignés des décisions stratégiques quand ils ne sont pas tout simplement mutés ailleurs ? Puis intervient une “réorganisation” de l’organigramme, sur décision de M. Watiez, où l’on constate la disparition de certains services.
Un directeur des secteurs réaffecté à un “audit des placards”
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Des services auxquels le blog Défendons le Cned trouve une certaine communauté d’objectifs : “Les fonctions de contrôle et d’alerte n’apparaissent plus dans la nouvelle organisation ou ont déjà disparu (Affaires juridiques, Audit, Contrôle de gestion, Community Manager)”, déplore-t-il. Avec une pensée pour ces “directeurs [qui] sont placardisés ou contraints de démissionner”. À cela, Philippe Certin objecte que “cette réorganisation, ce n’est pas le grand soir. Il s’agit de garder les entités telles qu’elles sont, mais aussi de prendre en compte l’évolution de tel ou tel secteur d’activité”, tout en demeurant “attentif aux situations individuelles”. Ce n’est donc qu’un hasard si en ont disparu ceux de l’audit, la direction des affaires juridiques et le marketing, trois services dont les directeurs ont manifesté une forme d’opposition à la direction générale. Pour ce qui est des “situations personnelles” évoquées plus haut, Fabrice Kwiecien (affaires juridiques), qui s’était opposé à l’attribution de l’un des marchés de 360 Degrés Fahrenheit, semble avoir fait les frais de l’opération.
Et Benjamin Michelot, directeur des secteurs ô combien sensibles de l’audit interne et du contrôle de gestion, connaît une chute vertigineuse. Nommé conseiller spécial de la direction générale à l’arrivée de Jean-Charles Watiez, il a vu son service disparaître lui aussi de l’organigramme. Et a reçu une “lettre de mission” requérant un… audit des placards. Littéralement. En vue de réaliser des économies, il lui est demandé de compter les fournitures administratives des différents sites. Pour la petite histoire, le Cned, qui emploie 2.000 personnes, dépense 14.000 euros par an en fournitures, une broutille. Or le coût des déplacements sur tous les sites du Cned en France pour une telle évaluation pourrait avoisiner… 8.000 euros. D’un intérêt stratégique contestable, cet “audit des placards” a-t-il pour objet d’ajouter à la neutralisation d’un élément dangereux une brimade à l’humour plus que douteux ? Si tel n’est pas le cas, reconnaissons que cela en a toute l’apparence. Etrange méthode pour un homme qui a conclu une tribune à huit mains (parmi lesquelles celles, ô surprise, de Benoît Tézenas du Montcel) publiée sur CB News2 par la phrase suivante : “Aspirons à un monde qui développe un écosystème favorable à l’innovation et privilégie la gestion des ressources humaines à celle des données.” Il ne reste donc plus qu’à mettre les actes en adéquation.
L’anecdote illustre en tout cas pertinemment le climat de colère qui règne actuellement au Cned. Une colère qui se manifeste aujourd’hui sous la forme d’une grève qui ne pourra qu’alerter le ministère de l’Education nationale, jusqu’ici très en retrait. D’autant que, selon nos informations, quelques cadres au Cned viennent de saisir le procureur de la République sur certaines pratiques de la direction générale dans le cadre d’un signalement, en conformité avec l’article 40 alinéa 2 du Code de procédure pénale3. Sont notamment portés à la connaissance du magistrat “des faits susceptibles de constituer des infractions aux dispositions des articles L.432-10 à L.432-13 et, à titre principal, de l’article L.432-14 dans le cadre de l’attribution de marchés publics”. Sont ainsi dénoncés notamment des “absences d’audition” pourtant prévues dans les appels d’offres, ou au contraire des “dossiers de marché ne comportant aucun procès-verbal d’audition permettant la traçabilité des échanges” des répondants qui “pourraient avoir disposé d’informations privilégiées” et bénéficieraient d’“avantages injustifiés”. De son côté, le sous-traitant évincé Arvato aurait déjà pris contact avec le Cned pour lui signifier son intention de porter l’affaire devant les tribunaux. Une transaction serait à l’étude entre les deux parties afin de mettre fin à la procédure. Une chose est sûre : le Cned n’est pas près de couler des jours paisibles.