Face aux insuffisances de la loi de moralisation de la vie politique, les sénateurs Joël Labbé et Henri Cabanel veulent “s’attaquer au statut de l’élu” en impliquant les citoyens et les maires des petites communes.
Placardisée au palais du Luxembourg depuis un an, l’inscription dans une loi de la présentation d’un casier judiciaire vierge comme condition pour être candidat à une élection pourrait être de retour. Ce mercredi, le président des maires ruraux de France, Vanik Berberian, le fondateur du site Parlements & Citoyens ainsi que l’auteur et ancien élu municipal Philippe Pascot sont aux côtés de deux sénateurs pour faire bouger les lignes et établir de manière participative les droits et devoirs de l’élu pour combattre la défiance des citoyens envers leurs gouvernants. “Pourquoi ne peut-on pas travailler après 67 ans et qu’eux peuvent être élu jusqu’à plus de 90 ans ? Est-ce normal qu’un ministre qui ne l’est plus devienne automatiquement député ? Lors des élections partielles, des élus de la République ont été élus avec moins d’un électeur sur dix : ils sont légalement élus, mais ne sont plus représentatifs de la population. Il serait peut-être temps de prendre en compte le vote blanc !” lance Philippe Pascot. L’auteur de quatre ouvrages sur le comportement des élus ne manquent pas d’exemple pour témoigner de l’état délétère de la démocratie française, comme celui de l’amendement voté en soirée juste avant les fêtes pour augmenter de 40% les indemnités des élus de villes de plus de 100 000 habitants en oubliant “la majorité des élus, les petits élus” ou la loi pour encadrer les indemnités de frais de mandats (IRFM) des députés, qu’il considère comme une “véritable forfaiture”. “Les élus ont le devoir de servir et pas de se servir. Ce sont ces systèmes féodaux que l’on veut casser à travers cette proposition de loi, pour redonner un peu plus de pouvoir au peuple, ce qui devrait être la règle” ajoute-t-il.
Pour redonner ce pouvoir, la proposition de loi portée par les sénateurs Henri Cabanel et Joël Labbé sera soumise pendant un mois aux avis de chacun sur le site Parlements & Citoyens. Lancée en février 2013 avec déjà, un projet pour “restaurer la confiance entre citoyens et parlementaires” porté par l’actuel ministre de l’Économie, Bruno Lemaire, le site compte aujourd’hui plus de 500 000 inscrits, mais encore peu d’élus à l’échelle nationale. Seuls trois sénateurs, dont Henri Cabanel et Joël Labbé, et 27 députés ont rejoint la plate-forme de démocratie participative.“J’espère que notre proposition sera enrichie dans le dialogue avec peut-être de nouveaux articles”, avance le sénateur du groupe socialiste de l’Hérault. En mai dernier, Henri Cabanel lance une consultation à l’échelle de son département pour recueillir le “ressenti des principaux intéressés”. Sur les 383 maires des communes de l’Hérault, 180 se prononcent et 97% d’entre eux sont favorables à une nouvelle loi sur le statut de l’élu.“Et contrairement à ce qu’a mis en avant la loi de moralisation, l’essentiel n’était pas forcément l’interdiction des emplois familiaux, pour laquelle 47% sont favorables, mais bien la présentation d’un casier judiciaire vierge à 82% ainsi que la lutte contre l’absentéisme à 61%”, détaille-t-il.
Réticences des dinosaures et renouvellement politique
Pour le fondateur de Parlements & Citoyens, Cyril Lage, l’intérêt de cette proposition de loi est d’approcher le sujet de la confiance “par les deux faces de la pièce” : celle des droits et des devoirs. “Il y a une réaction épidermique des citoyens à toute magouille des élus nationaux. Dans une situation où les gens n’ont pas confiance, parler des droits des élus provoque des réticences. Quant aux devoirs des élus, ils ne peuvent rencontrer de réticences que de la part des dinosaures, ceux qui sont tellement déracinés qu’ils ne voient pas l’urgence de la situation. Avec plus de 600 000 élus en France, l’enjeu de cette loi va être dans l’équilibre entre les droits et les devoirs”.
Une proposition qui a aussi l’avantage de poser la question du renouvellement du personnel politique. “En France, il y a 36 000 communes, et nous allons avoir des problèmes dans le futur pour avoir des maires. Avec une société qui tend vers l’individualisme, il y a moins de gens susceptibles de se lever pour reprendre le flambeau” poursuit Cyril Lage. Selon Henri Cabanel, le statut actuel des élus serait favorable aux élus de fonction publique, aux maires et adjoints des grandes villes, mais très défavorable pour ceux des petites communes.
Des discours aux actes
Le soutien à cette proposition de la part du président de l’association des maires ruraux de France, Vanik Berberian, témoigne de la volonté de ces derniers à se faire entendre. Une des dispositions est d’ailleurs d’aligner la rémunération des maires et adjoints de petites communes, “qui ont beaucoup moins de services et sont très mal rémunérés”, à celles perçues par les maires des communes de 3 500 habitants, précise le sénateur du Morbihan Joël Labbé. “Les maires des petites communes se sentent frustrés, démunis et ne se sentent pas reconnu dans leur engagement, qui est sans doute beaucoup plus citoyen que ce que peut être l’engagement des élus nationaux ou de grandes communes”, ajoute Henri Cabanel, précisant qu’ils sont “souvent des retraités qui ont terminé leur carrière professionnelle et qui s’engagent dans la vie de la cité, ce qui n’est pas le cas pour les communes de plus de 10 000 habitants”.
Face au cumul des mandats, réduit par des lois antérieures, mais “toujours existant”, le sénateur écologiste Joël Labbé indique que la proposition demande un plafonnement. En clair, que les rémunérations cumulées en tant que maire, conseiller départemental, président d’intercommunalité ou de conseil d’administration ne puissent pas dépasser la rémunération d’un parlementaire. Autre proposition : “la reconnaissance de la valeur des acquis d’expérience en tant qu’élu et le droit de retrouver un poste dans l’entreprise, comme c’est le cas pour les fonctionnaires”, ajoute l’élu du Morbihan. L’idée de ce statut renouvelé serait aussi de rendre plus accessible la fonction. “Aujourd’hui, ne peuvent être élus que des nantis, ceux qui sont protégés. Un petit chef d’entreprise de PME qui est élu ne retrouve pas son travail après”, déplore Philippe Pascot, pour qui ce projet de loi “propose les actes des discours qu’ont fait les élus” et pourrait permettre de “redonner un peu de bon sens à la politique”.
Ci-dessous, le texte provisoire des sénateurs Henri Cabanel et Joël Labbé, avant qu’il ne soit enrichi par la consultation sur le site Parlements & Citoyens.
Statut de l’élu, Droits et devoirs by Le Lanceur on Scribd