La direction de la centrale du Loiret avait omis de prévenir l’Autorité de sûreté nucléaire d’un incident. Ce sont les riverains, alertés par le bruit, qui ont interpellé le gendarme du nucléaire français.
C’est un bourdonnement incessant en provenance de la centrale qui a mis la puce à l’oreille des riverains. Fin décembre, ils alertent le journal local, qui rapporte la nuisance dans une brève. Ainsi informés, les membres d’un groupement de vigilance sur le nucléaire préviennent l’ASN. “Si les riverains n’avaient pas protesté à cause du bruit, l’ASN n’aurait jamais été informée”, dénonce Martial Château, du réseau Sortir du nucléaire. La direction de la centrale a en effet omis de faire part de l’incident, sinon tenté de le cacher. “Nous n’avions pas d’information”, nous confirme-t-on à la division orléanaise de l’ASN. “C’est une faute directe du directeur de la centrale”, accuse Martial Château.
Car le fameux bourdonnement dénotait bien une anomalie de fonctionnement. “Le condenseur du réacteur 2 ne remplit plus complètement sa fonction. Il n’arrive plus à refroidir suffisamment la vapeur en sortie de turbine pour condenser l’eau”, explique le réseau Sortir du nucléaire. Plus précisément, c’est le robinet du condenseur, censé éviter que l’air ne pénètre dans le condenseur, qui ne remplissait plus sa tâche. Pour compenser, “les équipes de la centrale ont mis en service un éjecteur de vapeur d’eau pendant onze jours, avec un fort débit”, indique EDF. “Si bien que le surplus de vapeur est évacué par les soupapes de sécurité”, traduit Martial Château, produisant au passage une forte nuisance sonore. Laquelle a permis aux riverains d’alerter l’ASN, donc.
EDF refuse d’arrêter le réacteur concerné
“On est sur la partie conventionnelle, non radioactive, qui ne participe pas directement à la sûreté”, minimise la division de l’ASN de la région d’Orléans. Le gendarme du nucléaire ajoute que, si elle ne l’a pas prévenu, la direction de la centrale dit avoir téléphoné à la commission locale d’information (CLI) et aux maires des communes voisines. La CLI a confirmé, mais précisé au Lanceur que seul son directeur avait été prévenu et que, l’information n’ayant pas davantage circulé, il y a eu “un loupé de communication”. Si bien qu’en bout de chaîne les citoyens n’ont pas été alertés par les autorités mais par le bruit. Quant à la temporalité de ces coups de fil, elle reste floue.
EDF assure que les rejets de vapeur n’ont pas d’incidence sanitaire, ni environnementale. “La vapeur rejetée dans l’atmosphère est issue du circuit secondaire, explique l’ASN. Elle n’est normalement pas au contact de radioactivité.” Les dispositifs de surveillance n’ont pas émis d’alerte. “Les détecteurs n’ont émis aucun signalement”, ajoute l’ASN Orléans. Émoussés par cette drôle d’omission, les militants anti-nucléaire vont s’assurer qu’EDF ne ment pas sur ce point. “Nous allons demander à consulter les registres d’émission de radioactivité sur le mois de décembre”, indique Françoise Pouzet, membre de la section “Berry-Giennois-Puisaye” du réseau Sortir du nucléaire.
“Mensonge, désinformation et chape de plomb”
D’autant que, si le bruit a cessé, les réparations sur le condenseur n’ont pas été effectuées. L’intervention nécessite l’arrêt du réacteur, ce qu’EDF a refusé, invoquant une nouvelle fois la vague de froid et le pic de consommation électrique hivernal comme mobile. “Une opération de maintenance est d’ailleurs programmée sur le condenseur, mais la forte demande en électricité actuellement, conjuguée à de nombreux réacteurs à l’arrêt en France, n’a pas permis semble-t-il de trouver un créneau”, écrivait ainsi le journal local dans sa brève du 5 janvier. “On peut craindre que la solution mise en œuvre ne résolve pas les problèmes de fonctionnement en mode dégradé”, s’inquiète le réseau Sortir du nucléaire.
“Mensonge, désinformation et chape de plomb”. C’est en ces termes que la députée européenne (Europe Écologie-Les Verts) Michèle Rivasi a réagi à cet épisode au micro de France 3 Centre. La cofondatrice de la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) en a profité pour faire le parallèle avec la communication sur l’accident de Tchernobyl en 1987. Exagéré ? Peut-être. Reste que cet épisode illustre bien le manque de transparence régulièrement décrié dans la filière nucléaire (lire ici et ici).